La figure de l'artiste marginal dans la critique d'art de Joris-Karl Huysmans : une prise de position esthétique
Résumé
Les héros des romans huysmansiens sont pour la plupart des hommes célibataires, vivant en marge d'une société qu'ils rejettent, et Cyprien Tibaille, le peintre des Sœurs Vatard, n'échappe pas à cette règle. Mais au-delà du lieu commun de l'artiste parisien menant une vie de bohème, cette marginalité du peintre a chez Huysmans une valeur esthétique. En effet, le critique fait du succès (et de son corollaire, l'intégration sociale) la marque d'une compromission incompatible avec le statut d'artiste : le public petit-bourgeois du 19e siècle ne peut admirer que les peintres sans talent qui flattent son mauvais goût. À l'inverse, les artistes de génie sont toujours incompris par leur époque et - cause ou conséquence ? - ils cherchent à s'en extraire. Huysmans marque ainsi sa préférence pour ceux qui font scandale (les indépendants) ou ceux qui choisissent de ne pas exposer (Whistler, Moreau). Être inadapté à son époque est selon lui la marque d'un esprit supérieur, occupé à rêver d'ailleurs plus poétiques, qu'ils soient spatiaux ou temporels. Les marges de la société deviennent donc marges de liberté, et ainsi un terrain propice à la création artistique.