La tolérance des Lumières à l'épreuve de la Révolution française - Université Jean Moulin Lyon 3 Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Histoire, monde et cultures religieuses Année : 2018

La tolérance des Lumières à l'épreuve de la Révolution française

Paul Chopelin

Résumé

La Révolution française est l'une des quatre grandes périodes d'affrontements religieux dans l'histoire de France, avec la crise religieuse du II e au IV e siècle dans la Gaule romaine (persécution des chrétiens, puis celle des païens), les guerres de religion au XVI e siècle et le duel Église/République des années 1880-1900. Le conflit religieux révolutionnaire est un phénomène complexe, souvent analysé à travers une grille de lecture héritée de la fin du XIX e siècle. Dans le cadre d'une interprétation progressiste de l'histoire, la Révolution est présentée comme un moment fondateur, qui réalise l'idéal de tolérance des Lumières en instaurant la liberté des cultes, dans le cadre de la Déclaration des Droits de l'Homme. À l'inverse, une historiographie conservatrice, de tradition catholique, insiste sur les persécutions de 1792-1794, pour mieux dénoncer l'hybris des révolutionnaires, qui voulaient établir une société nouvelle sur les ruines de l'Église. Ces deux traditions historiques s'opposent notamment sur la question de l'éventuelle intolérance religieuse des autorités républicaines entre 1792 et 1800. Pour les défenseurs de la « Grande Révolution », la lutte contre le clergé réfractaire et ses fidèles aurait été motivée par leur collusion avec les forces royalistes, notamment lors des guerres de Vendée. Afin de rétablir l'ordre, la République n'aurait eu d'autre choix que de vouer ces perturbateurs du repos public à la mort ou à la déportation. Les historiens catholiques ont de leur côté dénoncé une persécution latente depuis les origines de la Révolution, fruit d'une culture anticléricale héritée des Lumières, portée par les chefs de file du mouvement révolutionnaire-principalement les Montagnards-, qui voulaient imposer par la force une sorte de laïcité républicaine avant la lettre. Ce cadre interprétatif fait d'ailleurs la part belle aux théories conspirationnistes quant aux origines « secrètes » de la Révolution. Significativement, ces deux visions antagonistes de l'histoire religieuse de la Révolution se sont constituées au moment du conflit entre l'Église et la République au cours des années 1880-1900. Cet affrontement s'est aussi déroulé sur le terrain de l'histoire, à grands renforts de publications et de commémorations concurrentes. Depuis les lois contre les congrégations de 1880, les catholiques sont sur la défensive et sont persuadés de faire face à une nouvelle persécution, provoquée par les mêmes ennemis supposés qu'en 1789 : les protestants et les francs-maçons. Au moment où la III e République s'apprête à fêter le centenaire de la « Grande Révolution », l'épiscopat décide de reconnaître officiellement le caractère de « martyrs » aux catholiques exécutés pour « fanatisme » ou refus de serment pendant la Révolution. Il s'agit, à terme, de mettre en place un cycle commémoratif susceptible de faire pièce aux célébrations officielles et de développer, chez les fidèles, une culture politique de résistance, appuyée sur l'histoire. Dès 1889, des contre-commémorations sont organisées un peu partout en France à l'initiative du clergé et des réseaux militants, pour exalter les figures de la France chrétienne « éternelle » que l'on oppose aux héros républicains promus par le régime. Parallèlement, la mémoire de la « persécution » est ranimée par de nouvelles recherches sur les « pieuses victimes » de la Terreur, donnant lieu à de multiples publications, généralement nourries d'une solide érudition, mais fortement orientées en défaveur de la Révolution. À travers l'histoire, les auteurs cherchent à mettre en garde les fidèles quant à une possible répétition de l'histoire : face aux lois « anticléricales », la mobilisation politique des catholiques est nécessaire pour éviter le déclenchement d'une nouvelle Terreur. Ces travaux fournissent les preuves nécessaires à la béatification des «martyrs de la Révolution», à commencer par lesseize carmélites de Compiègne en1906, au plus fort de la crise des inventaires

Domaines

Histoire
Fichier principal
Vignette du fichier
Article_ToleranceLumieresRevolution_HMC_Chopelin.pdf (514.99 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...

Dates et versions

halshs-01992378 , version 1 (20-10-2020)

Identifiants

Citer

Paul Chopelin. La tolérance des Lumières à l'épreuve de la Révolution française. Histoire, monde et cultures religieuses, 2018, 2017/3 (43), pp.51-64. ⟨10.3917/hmc.043.0051⟩. ⟨halshs-01992378⟩
159 Consultations
349 Téléchargements

Altmetric

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More