D’une censure à l’autre : le cas de la revue Xinyue (1928-1933)
Résumé
Exemplaire de ce que fut la vie intellectuelle, culturelle et politique de la Chine des années 1920/1930, la revue Xinyue (1928-1933) est aussi l’aboutissement d’un mouvement littéraire et politique qui s’est développé sur une dizaine d’années. Publiée cinq ans, de façon indépendante, elle a regroupé un ensemble d’intellectuels et d’artistes aux idées libérales, réfractaires à tout type d’idéologie dans une période qui voit l’avènement des idéologies. Victime des aléas de l’histoire, elle est restée dans l’ombre jusqu’à sa réédition, en 1985, suscitant alors un regain d’intérêt et une réévaluation de son contenu qui apparaît aujourd’hui comme constitutif à part entière de ce que l’on peut appeler la « modernité » chinoise.
Il est proposé, dans cette intervention, une lecture des différentes formes de censure traversées par la revue : au moment de sa publication, lorsque son rédacteur en chef de l’époque, Luo Longji, est arrêté, en novembre 1930, un événement qu’il relate et commente dès le numéro suivant, puis de l’oubli commandé auquel la revue et ses principaux contributeurs sont condamnés pendant près de 40 ans, avant d’être redécouverts et réintégrés dans le champ littéraire et intellectuel de la Chine du XXe siècle. Ces deux moments interrogent sur le pouvoir de la censure et ses rapports avec l’imaginaire collectif. Pourquoi, à un instant donné, les censeurs ont-ils laissé la collectivité se réapproprier son passé, au risque de voir (re)surgir des contre-discours les mettant en cause ?