, doivent être prises avec leur matière, en tant qu'elles sont dans une matière, alors cela veut dire que le philosophe premier n'étudie pas, par exemple, la forme de l'animal à part du corps vivant. Il serait en ce sens erroné de soutenir que philosophes premier et second étudient les mêmes formes, l'un à part du mouvement, l'autre en tant que mobiles. On pourrait bien plutôt imaginer que le philosophe premier étudie ce que c'est que d'être une forme, la formalité en général, Si l'on prend au sérieux les analyses aristotéliciennes sur les formes des étants naturels qui, pour être étudiées, vol.17

, Voir G. Aubry, op. cit., sur la distinction entre substance première et substance au plus haut point (??????? ?????), vol.7, p.76

, Mais l'ampleur de la discussion à son sujet exigerait un article à soi seul. Je me contenterai de deux remarques : la première est que l'absence totale de références à une substance divine dans le contexte du chapitre joue tout de même contre l'interprétation théologique, a fortiori quand on a libéré la signification de l'expression « substance première » de son apparente univocité (contra A. Mansion, art. cit, On pourra me reprocher de contourner la difficulté de ce passage qui a causé quelques sueurs aux commentateurs depuis l'Antiquité, p.189

, Sur ce passage, en lien avec ceux de la Physique, cf. à nouveau S. Menn, art. cit, et M. Burnyeat, op. cit, pp.128-129

, Si l'on accorde que, dans la très grande majorité des occurrences, « philosophie première » indique, par soustraction, ce qui ne peut faire l'objet de la physique, le résidu de cette opération ne se laisse pourtant pas immédiatement reconduire à l'unité. À l'étude du premier moteur immobile et de la façon dont est mû le premier mû 85 , il faut adjoindre plus généralement l'ensemble des questions tournant autour de la séparation (sans se restreindre à la séparation du premier moteur), tout ce qui relève des étants inengendrés et immobiles, c'est-à-dire aussi la détermination de ce qui est « substance première » (et, à ce titre, les formes des composés hylémorphiques), la réfutation des Idées et même l'examen des axiomes 86 . Pour diverses raisons, parce qu'ils ne respectent pas les réquisits des objets de la physique, parce qu'ils débordent le champ couvert par une unique science standard (générique), ou parce qu'enfin ils sont les plus dignes d'étude, ces objets ne peuvent échoir qu'à une science suprême et antérieure à toute autre

. Métaphysique, tracent donc négativement les contours d'un domaine dont l'unité n'est, le plus souvent et de prime abord

, Le sens de l'expression n'est toutefois pas intégralement déterminé par son contexte d'apparition : si l'argumentation contre une réduction de la philosophie première à la théologie a exigé de faire droit à la souplesse de la notion et à la pluralité qu'elle recouvre, il ne faudrait pas pour autant verser dans l'extrême inverse, et faire de « philosophie première » seulement un résidu de l'opération de limitation de la physique -cette dernière, en droit, ne se distingue pas seulement de la philosophie première, mais aussi par exemple des mathématiques. L'adjectif « première » indique aussi la part de positivité, un sens plus déterminé de l'expression. En tenant compte de la diversité des objets d

. Avant-d'être-le-«-père-de-la-métaphysique,

, Cela a déjà été souligné, par exemple par A. Mansion, art. cit., p. 177 sq. ; P. Aubenque, Le problème de l'être, p.45

, philosophie première fournit des arguments logiquement antérieurs à ceux de la physique, mais non pas incompatibles, au point même, comme on l'a vu, que les deux sciences peuvent collaborer à la démonstration d'une même thèse. Si enfin plusieurs des passages examinés font entendre que la physique est seconde au sens où elle n'est pas une science totale

. Au-terme-de-ce-parcours,

L. , nous retrouvons-nous ici face à la sempiternelle gigantomachie entre ontologie et théologie ? L'expression « philosophie première » désignerait-elle alors deux sciences ? Telle est la conclusion d'A. Stevens, selon qui « rien n'empêche deux sciences distinctes de s'appeler ''premières'' chacune pour la raison qui lui est propre, l'une en raison de la manière dont elle considère ses objets, vol.89

, que celle-ci « n'est le nom propre d'aucune science » 90 ? L'aspect fonctionnel impliquant la variation selon les contextes, l'absence d'unité pourrait sembler en être la conséquence la plus logique ; tout au moins, l'expression laisserait ouverte la possibilité que soient ainsi désignées plusieurs sciences. Pourquoi pas, alors, la dualité entre sciences de l'étant en tant qu'étant et de la substance immobile et divine ? L'argumentation d'A, Mais est-on vraiment fondé à inférer, à partir de la relativité et du caractère fonctionnel du recours argumentatif à la philosophie première

. Cependant, même en admettant que « philosophie première » n'est le nom propre d'aucune science, la réduction des sciences ainsi nommées à l'ontologie et la théologie est déjà, en elle-même, sujette à discussion 91

A. Stevens, Approches physiques et métaphysiques », art. cit

. Ibid,

, Il serait trop long de montrer ici pourquoi ni la science de l'étant en tant ci-dessus. N'a-t-on vraiment affaire qu'à deux types d'objets et donc à deux sciences ; est-on certain de pouvoir adjuger sans hésitation chacune de ces études ou chacun de ces objets à l'ontologie ou à la théologie ? 92 Le questionnement sur la substance ou celui sur la séparation, par exemple, On objectera que ce choix, cette réduction à la dualité

, Il faut de surcroît remonter à la première étape du raisonnement, celle qui infère, à partir de la plasticité de ses emplois, que philosophie première n'est pas un nom propre, entendons : est sans référence stricte, ou peut désigner plusieurs sciences distinctes

. Seulement, Ce n'est pas parce que le sens d'une expression est en partie labile ou contextuel que sa référence l'est aussi. Il se pourrait tout aussi bien que « philosophie première » soit à même de couvrir plusieurs descriptions définies et distinctes (niveau du sens) de la même science 93 (niveau de la référence

. D'une-part, D'autre part et surtout, cette multiplication ne peut s'autoriser d'aucun texte : Aristote n'emploie jamais « philosophie première » qu'au singulier, et, qui plus est, avec un article défini. De même, refuser à la philosophie première d'être le nom d'une science va à l'encontre de plusieurs passages qui désignent bien une « science » sous ce nom 94 . Si l'on s'en tient aux textes mentionnant strictement « philosophie première », on lit, entre autres : « c'est la fonction de la philosophie première que de le déterminer avec précision, la multiplication des philosophies premières ne passera que difficilement le test du rasoir d'Ockham

«. and &. , est la fonction de qu'étant, ni la science théologique ne sont réductibles à une telle enquête sur la substance (interprétation efficace et séduisante, proposée par exemple par A. Jaulin). Le texte de Z 1, 1028b6-7 ne me paraît pas signifier que l'enquête sur la substance prenne en charge la totalité du projet de ? d'une science de l

, On pourrait par exemple imaginer qu'il soit nécessaire d'adjoindre à l'ontologie et à la théologie l'étude de la substantialité des substances, une enquête ousiologique correspondant à Métaphysique Z et H, dont les traits sont suffisamment spécifiques pour la différencier des enquêtes sur l'étant en tant qu

, ??? ?? ??? ??????? ???' ? ????? ????????? ??????? ?????...) 95 . Pour faire sens, tous ces passages impliquent nécessairement

, il existe au plus une philosophie première -ce qui demeure l'interprétation la plus simple et la moins coûteuse de l'article défini. L'objection d'un usage déictique de l'article (la philosophie première, c'est-à-dire celle-là, par exemple celle dont on vient de parler

, au risque de perdre la logique même de l'emploi aristotélicien de l'expression. Pour le dire simplement, les occurrences de l'expression montrent que la philosophie première est une science une, mais à la fois science de la substance première et du principe formel, des axiomes, de la substance divine, etc. La conclusion qui s'impose est que « philosophie première » nomme un champ épistémique à même de couvrir une bonne part, sinon la totalité de ce que la tradition a reçu sous le nom de Métaphysique. On trouve d'ailleurs déjà chez Alexandre d'Aphrodise un tel emploi général de l'expression (en concurrence avec celle de « sagesse »), comme si celle-ci 'éclairer des analyses qui précèdent : c'est parce qu'Aristote lui-même use du syntagme de façon large. Dès lors, l'étude des occurrences de « philosophie première » pourrait valoir comme argument en faveur d'une interprétation unitaire de la métaphysique aristotélicienne -non pas au sens d'A. Mansion, qui voit dans la fin d'E 1 l'identification conquise entre philosophie première, c'est-à-dire théologie, et science de l'étant en tant qu'étant, mais au sens où l'emploi de la seule « philosophie première, Refuser la thèse d'un sens strict et d'une référence encore plus stricte de « philosophie première » (la seule science théologique) ne doit donc pas nécessairement conduire à disperser la philosophie première entre une multitude de référents distincts

, Respectivement : Phys. I, vol.9, pp.192-227

, II, vol.2, pp.194-208

, De caelo I 8, pp.277-286

, Met. E, vol.1, pp.1026-1049

. Cf, I. Par-exemple, and . Met, Ainsi la métaphysique naît-elle d'abord par différence d'avec la physique, d'un geste de renvoi (?????????) de certaines questions, dont elle seule est à même de constituer le ?????? 97 . C'est ce qu'incarnent par exemple les apories du livre Beta, qui pourrait d'ailleurs venir confirmer une telle conscience, en élaborant la « sagesse » 98 comme espace de discussion et de problématisation 99 . Les quatre premières apories, en effet, interrogent la possibilité pour la sagesse d'être à la fois science de x et de y -par exemple, des principes de la substance et des principes de la démonstration. Or la seule formulation de ce problème présuppose un champ épistémique dans lequel on a rejeté différents objets, et à propos desquels on doit alors se demander s'ils peuvent faire l'objet d'une même science, vol.15, pp.32-33

, Ce qui sépare philosophies première et seconde sur ce point, évidemment, est que l'articulation de la seconde est limitée par la généricité de son objet, quand la première voit son unité travaillée par la plus grande diversité de ses programmes de recherches. Spécifier l'identité de la philosophie première, en tout cas son extension, Métaphysique 100 . L'on rappellera combien l'idée d

, 36-b1 : « ???' ??? ??????? ??? ?????? ?????????. » Une telle affirmation n'implique aucune position génétique quant à l'ordre de rédaction du corpus et que rejet ou renvoi valent pour désigner des gestes logiques ou épistémologiques, Cf. Phys, vol.9

. C'est, une question de savoir jusqu'à quel point « sagesse » et « philosophie première » s'équivalent. Étant donné ce qui précède, elles pourraient désigner la même science, mais ont-elles le même sens ? Pour reprendre le vocabulaire d'Alexandre d'Aphrodise, il faudrait déterminer si la science qu'elles désignent est polyonyme (cas d'un même référent désigné par plusieurs noms ayant de surcroît le même sens) ou bien hétéronyme (cas d'un même référent désigné par des noms recouvrant des sens distincts)

M. Crubellier, Aristotle's Metaphysics Beta, p.14, 2009.

, projet de la science de l'étant en tant qu'étant à celui d'une recherche des principes, c'est-à-dire des causes les plus hautes), ? 3 (qui lie les examens de la substance et des axiomes), ? 1 (qui lie la recherche des principes et des causes des étants en tant qu'étants à la science théologique

, non de l'unification) de ses divers objets. Le passage en revue des occurrences de philosophie première a au moins l'intérêt de montrer qu'une telle question n'est ni vaine

, et si déjà un commentateur comme Alexandre a pu lui-même s'aviser de cette vaste extension, pourquoi donc n'est-ce pas cette expression qui s'est imposée comme titre de l'ouvrage aristotélicien ? L'hypothèse de P. Aubenque 102 , en effet, était que, « philosophie première » désignant la théologie, les éditeurs de la Métaphysique se seraient trouvés face à un texte ne développant au fond qu'assez peu ces questions et auraient donc, en conscience, abandonné le titre que leur offraient pourtant d'autres passages (et principalement le texte du De motu animalium 6). Cette hypothèse, si l'on accorde ce qui précède, n'est plus tenable, et la question historique du titre de la Métaphysique demeure. À tout le moins, un éditeur contemporain de ladite Métaphysique d'Aristote ne serait-il pas totalement infondé à faire inscrire sur sa couverture : ???? ??? ?????? ??????????, Reste une dernière question, historique celle-là : si « philosophie première » est susceptible d'embrasser la majeure partie des travaux rassemblés dans la Métaphysique

. 102p and . Aubenque, Le problème de l'être, op. cit, pp.35-44

, 2010) lorsqu'il propose de ré-intituler la Métaphysique de Théophraste Des premiers principes, à partir du titre de la traduction latine et de la première phrase du traité, qui fait sans doute écho à la dénomination aristotélicienne de « philosophie première, 103Un geste similaire est effectué par D. Gutas (Theophrastus. On First Principles (known as his Metaphysics)