Pluralisme religieux et liberté de conscience chez Montaigne et Hobbes
Résumé
Montaigne et Hobbes ont en commun d’avoir fait l’expérience du chaos politique dans sa forme la plus extrême, celle de guerres civiles qui ont pris la forme d’une guerre confessionnelle. C’est en pleine conscience du caractère irréductible du pluralisme des doctrines religieuses qu’ils ont tenté de repenser le champ des relations entre religion et politique.
Montaigne comme Hobbes s’opposent à la solution du pluralisme religieux, faisant valoir la nécessité d’un arbitrage et d’une religion uniforme. Il est vrai que les solutions diffèrent quant à savoir si c’est à l’Église catholique romaine ou à une institution ecclésiale nationale contrôlée par l’État qu’il revient d’exercer cet arbitrage. Il reste que, dans les deux cas, l’approche du problème se situe au niveau pragmatique, évacuant la question de la vérité des doctrines.
La question institutionnelle ne représente cependant que l’aspect le plus superficiel du problème. Montaigne comme Hobbes pensent que la conscience est d’une certaine façon inviolable et hors d’atteinte de toute contrainte. Son expression peut, et doit sans doute, être contrôlée dans une certaine mesure par les lois : mais ce n’est là qu’un pis aller, rendu nécessaire parce que l’expression des religions prend une forme autoritaire. C’est finalement plus l’autoritarisme que la religion en elle-même qui fait l’objet des critiques des deux auteurs. Pour l’un comme pour l’autre, la vraie religion interdit les postures d’arrogance et de domination. En ce sens, Montaigne et Hobbes sont, plus que des précurseurs des « lumières radicales », des penseurs du statut de la religion, dans la société libérale moderne.