Une poétique du seuil : le génésérieque TV

Gilles Bonnet (1)

1 MARGE

Le générique borne, délimite et institue — par son geste — l'oeuvre : « en indiquant ses propres frontières, l'oeuvre se présente donc comme un modèle achevé, comme l'espace clos de la représentation, nettement séparé de l'infini du monde représentable. » 1 Mais le générique d'ouverture des séries télévisées contrevient à un tel dogme, encore fidèle à la leçon aristotélicienne. L'hybridation générique façonne en effet une sérialité où discontinuité de diffusion et continuité narrative entrent en tension, où l'infini potentiel du soap-opera vient par exemple contaminer la clôture afférente à la résolution d'une énigme policière. Comment concevoir, dès lors, les propriétés liminaires d'un objet sommé de borner un contenu fluent et résurgent ? Comment le générique de série télévisée ouvre-t-il (à) un espace fictionnel tiraillé entre un héritage narratif de l'ordre de la linéarité et une structure soumise à la fragmentation ? 2 Bloc d'invariants visuels, discursifs et musicaux, le générique d'ouverture met sa constance au service de l'identification de l'oeuvre audiovisuelle et de la fidélisation de son public. Alors que la fiction télévisuelle plurielle tend de plus en plus à rapprocher les modèles du feuilleton et de la série, ouverture et clôture, le générique est ce tiers lieu, caillot d'énoncés répétés quand l'épisode, jour après jour ou semaine après semaine, lui impose une énonciation nouvelle. Aussi les modèles existants, comme la préface et l'incipit littéraires d'une part, la bande-annonce ou le générique de film d'autre part, s'ils fournissent certains modèles d'analyse 3 , s'avèrent-ils insuffisants pour saisir la spécificité de ce seuil polymédiatique d'un objet sériel.

Domaines: Littératures; Sciences de l'Homme et Société

Gilles Bonnet. Une poétique du seuil : le génésérieque TV. Écrans, 2014. ⟨hal-01728706⟩