Le pragmatisme et les variétés de l'expérience - Université Jean Moulin Lyon 3 Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2010

Le pragmatisme et les variétés de l'expérience

Résumé

This paper consists in an historical as well as conceptual analysis of the notion of experience. Following and completing Dewey, we propose to distinguish between four meanings that succeeded one another in the history of thought answering to the following designations: empirical, empiricist, experimental and experienced. The general aim is to show that the resumption of the concept by the pragmatists integrate those four meanings without their defects and limitations. 1) Experience firstly designates a kind of knowledge which is fairly reliable but related to practical purposes only, without involving any insight into the cause or reason of the occurrence, in contrast with scientific knowledge. Experience is thus conceived in opposition to the idea of reason and gets by this way a depreciatory meaning on an epistemological, moral as well as ontological level. 2) We then suggest that the empiricist way of conceiving experience makes a complete reversal of the valuation, as experience became the critical instrument of reason as far as it is the way to criticize all dogmas and doctrines that try to protect themselves from examination by claiming to be universal and necessary, that is backed up by the authority of Reason. Experience is then identified with what is given first-hand by the senses in a personal contact with nature: this characteristic of being forced upon us provides us with the guarantee we need against the vagaries of our fancy and the speculation of our reason. 3) But from a pragmatist point of view, the defect of this second meaning is to be still dependent on a dualistic conception of experience and reason that oversees their functional continuity, whereas the observation of experimental sciences may generate a renewed conception of experience. According to this view, experimentation and reasoning are two complementary and integrated stages of any activity of thought (termed the "enquiry"): each philosophical school, empiricism and rationalism, has simply selected and extracted from the complete and concrete process of thought (which is an experiencing and reasoning process) the two mythological notions of Experience and Reason supposed to be opposed to each other. 4) We show at last that a fourth conception of experience has been opposed to the experimentalist meaning in order to make room for the irreducibility of the lived and felt experience to the objective and naturalized notion derived from science (cf. bergsonism, phenomenology). In this last sense, experience denotes what is immediately experienced before all knowledge about the object of the experience. After the opposition between experience and reason, a second opposition, this time internal to the concept of experience, has to be overcome from a pragmatist point of view
Cet article consiste en une analyse à la fois historique et conceptuelle de la notion d'expérience. Suivant et complétant Dewey, nous distinguons quatre sens de l'expérience qui se sont succédé au cours de l'histoire de la pensée : l'empirique, l'empiriste, l'expérimental et l'expérientiel. L'objectif général est de montrer en quoi la reprise pragmatiste du concept d'expérience intègre ces quatre déterminations tout en surmontant les limitations de chacune. 1) Le premier sens, empirique, fait de l'expérience un type de savoir, fiable mais relatif à des buts pratiques qui n'implique pas la connaissance des causes ou des raisons des phénomènes contrairement au savoir scientifique. Le concept d'expérience se comprend ici par opposition avec celui de raison, vis-à-vis duquel il est déprécié sur un plan à la fois épistémologique, moral et ontologique. 2) Nous suggérons ensuite que le sens empiriste que prend le concept renverse cette opposition, dans la mesure où l'empiriste fait de l'expérience l'instance critique, au sens où elle apparaît comme un moyen de lutter contre tous les dogmatismes qui se couvrent de l'autorité de la raison pour s'imposer universellement et nécessairement. L'expérience s'identifie alors au donné sensible, obtenu d'un contact de première main, dans la mesure où seul ce qui s'impose à nous de l'extérieur peut constituer une garantie contre les divagations de l'imagination ou les spéculations de la raison. 3) Mais ce second sens, aux yeux du pragmatiste, demeure solidaire d'une conception dualiste qui ne voit pas la continuité fonctionnelle de l'expérience et de la raison, que l'on aperçoit au contraire dans le troisième sens, expérimentaliste. D'après ce troisième sens, l'expérimentation et le raisonnement sont des phases intégrées et complémentaires de toute activité de pensée (l'enquête), que chacune des écoles, empiriste et rationaliste, a abstrait du processus concret pour les opposer l'un à l'autre sous la forme des deux entités mythologiques de l'Expérience et de la Raison. 4) Nous montrons enfin qu'à ce troisième sens, pleinement revendiqué par les pragmatistes, s'est opposée une quatrième conception de l'expérience, qui revient à souligner l'idée d'une irréductibilité de l'expérience telle qu'elle est vécue à l'expérience objective et naturalisée de la science (bergsonisme, phénoménologie). L'expérience, dans ce dernier sens " expérientiel ", désigne ce qui peut être décrit lorsqu'on s'en tient à ce qui est expériencé immédiatement, sans présupposer aucun savoir préalable sur ce qui est expériencé. Après l'opposition entre l'expérience et la raison, un second dualisme reste donc à surmonter, interne cette fois-ci au concept d'expérience.

Domaines

Philosophie
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-00920541 , version 1 (18-12-2013)

Identifiants

  • HAL Id : hal-00920541 , version 1

Citer

Stéphane Madelrieux. Le pragmatisme et les variétés de l'expérience. Laurent Perreau. L'expérience, Vrin, pp.111-131, 2010, Thema, 978-2-7116-2227-6. ⟨hal-00920541⟩
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